dimanche 25 novembre 2012

Notes de Chine du sud (extraits)


Sanjiang : escale étrange. Ville de transit qui se cherche. Une image à la Chongqing, version 1997. Petite vile grise, laborieuse, industrieuse. Ici aux portes du pays dong, on tente de dresser l’étendard culturel, retenir le passant, ne point le faire fuir, tout au moins. On a construit des hôtels stylés à l’ancienne, sur les berges du fleuve, vue sur la rive d’en face, un peu tristoune. Masures insalubres les pieds dans l’eau. Affleurent les bars pourtant, un semblant d’âme branchée .Un quartier pour flamber neuf à deux pas d’une vieille grande tour du tambour. Des bâtisses « néo-dong » et de longues bandes de posters promotionnels tentent d’attirer le touriste.

Le pont des vents et de la pluie a fait peau neuve lui aussi. Les boutiques s’inaugurent sous une horde de pétards.

Sur les eaux brunes, des barges rouillées aspirent de l’argile, crachent des jets d’écume. Quelques rafiots malingres usinent,  croisent quelques freluquets sampans.

Un pont grisâtre relie les deux parties de la ville sans charme. La peinture fraiche des rambardes tue les narines. Les klaxons s’agitent. Sur une placette, des hommes, les billets coincés entre les doigts s’affairent aux paris. En Chine, on joue, misant sur victoires aux cartes ou au Mah-jong. Accroupis, veste bleue synthétique et casquette kaki enfoncée sur l’oreille, esquisse d’une ambiance de jeu 90 % masculine.

 

Ici, percevons à nouveau le décalage. Loin la capitale ou les villes côtières, toutes frétillantes. Les tenues Mao et ses icones subsistent. Son buste rutilant hante même l’entrée de notre hôtel. La modernité se cherche tel un mode en devenir, capricieux toujours. La centaine de milliers d’habitants approche mais nul distributeur ne permet encore aux étrangers de retirer des devises à insuffler dans l’économie locale. Echoués dans une chambre lumineuse, passons une journée au chaud à attendre qu’Henri file à 200kms récupérer des deniers pour la suite du voyage. Travellers chèques et cartes bancaire européennes n’ont pas suivi l’essor encore balbutiant !.Tout comme l’anglais, langue bien mystérieuse en cette province.

 

Zhaoxing

Fin des cahots sur route caillouteuse. Au détour d’une dernière courbe, plongeons sur les toitures d’une bourgade aux allures qui nous conquièrent. Belle pause en vue.

Prenons ancrage dans chambrette,  sur un canal. De ma fenêtre, je regarde. Les femmes battent le tissu, après trempage dans un bain turquoise pour le moins pestilentiel, mélange de plantes et…Lés de tissus pendent le long des façades tournant vers un élégant moiré violine. Pourtant nulle part, ne verrai les femmes arborer ces somptueuses étoffes scintillantes. Parure de fête, peut-être ?

Nuits tranquilles. Au matin, chacun y va de sa besogne : retourner ou peigner les grains de riz étendus sur une natte devant le seuil des maisons, trier les piments, tisser un panier, descendre au canal piocher des galets, laver et coiffer ses cheveux, plumer sa première poule du jour, bourrer sa pipe ou carboniser la panse d’un rat à rôtir.

Le long de la grande rue de terre battue, les vieilles femmes descendues de leurs hameaux stationnent, choux, céleris et balance à leurs pieds. Sous les tours des tambours répartis aux quatre coins du bourg, les enfants jouent ; Panier de basket rouillés ou ballons, écolières en uniformes ; Les femmes dong portent une veste molletonnée, aux couleurs éteintes,  fermeture latérale croisée.

Il est doux de poser ses yeux sur l’enfilade de façades encore intactes. Logis de bois, flanqués de grappes de riz ou de piments  à sécher. Un lieu à l’âme dense, mais pour combien de temps encore. Si les hommes ne sont au champ, ils poussent leurs brouettes chargées de caillasses, remodelant le visage du bourg. A quelques kilomètres, viaducs et autoroutes dressent leur ombre effrayante. Un désenclavement qui d’ici quelques mois déversera un flot de touristes. Un essor qui risque de se payer cher. Géraniums ou fleurs d’agrément remplaceront-ils tissus et tiges de riz aux fenêtres ?

Le canal se transformera-t-il en rue pavée noire d’une foule curieuse ? Nous baladons, nous empruntons une voie au sud. L’averse nous surprend. Trouvons abri sous la tente de travailleurs. Echangeons avec eux en attendant qu’orage passe. Certains dorment sous cet abri de plastique communautaire depuis 8 ans. En 2013, le chantier prendra fin et l’asphalte tout neuf reliera ce fond de vallée au réseau routier chinois chaque jour plus tentaculaire.

Perchés dans les montagnes à deux lieues à peine, d’autres villages Jilun, Jinjiang s’animent à la tombée du jour. Retour des champs. Les femmes (toujours les femmes !) redescendent des pâtures leurs troupeaux. Sur leurs dos aussi, les fagots de foin ou de paille. Les vaches s’enfilent dans les ruelles retrouvant pension nocturne sous les pilotis des maisons perchées. Insolite, le passage de mini-camions à haut-parleurs annonçant la vente de bananes ou autres vivres et rompant agressivement la torpeur du crépuscule.