lundi 10 décembre 2012

dimanche 9 décembre 2012

La terre est rouge


Les rives du Mékong se réveillent. Il est six heures à peine. Trois buffles morts gisent sur la route, une camionnette ratatinée git, elle  aussi.

Les rizières sont asséchées. La terre craquèle un peu. La terre est rouge.

Une femme tisse un filet sur son plancher.

En tailleur, petits et grands s’assemblent  autour de soupes fumantes. Petit déjeuner de nouilles blanches.

Au loin, les montagnes belles se dressent au-dessus de la cité antique. Le Wat Phu somnole encore à l’abri d’un  vert mamelon.

Quelques hommes de ci, de là ont embrasé un feu. Brulis de l’aube.

Un père étend le linge de ses enfants.

Un pêcheur vogue sur les eaux tranquilles du fleuve.

 Les poules encore captives tournent en rond sous leurs paniers cloches.

Dans une mare de lotus fané, un hurluberlu aux airs de ravi, se trémousse. Petite excentricité matinale !

Une fillette hisse son vélo du talus , prête à affronter quelque labeur avant de filer en classe sans doute.

D’une cahute, jaillit quelque locale mélodie, compétitant avec les airs des coqs plus que zélés.

Une fourmi escalade mon poignet ; Je pose ma monture.

La terre et rouge.

De ci, de là, dans les bras des femmes, les coupes d’offrandes se préparent et cheminent vers les temples.

Quelques oies bien grassouillettes émergent de leur quart d’heure d’ablution., la plume bien hérissée.

Un garçonnet allègre marchote, panier de riz gluant en bandoulière. Son  uniforme est impeccable, la raie bien tirée.

Quelques motoculteurs charrettes passent ma route.

Leur poussière vole.

La terre est rouge. Mes orteils aussi.

dimanche 2 décembre 2012

Les Boloven

Laos : Là où la vie parait plus douce


La végétation et les sourires luxuriants se meuvent en un fabuleux festin quotidien. Terre rouge martelée par les pieds nus des enfants. Maisons de paille sur pilotis,  couratent cochons sous les soubassements des logis.

Le long de la route, des guirlandes d’écoliers, grands en scooter ou sur pattes, petits à deux ou trois sur leurs bicyclettes. Sarong marine pour les fillettes, pantalon de toile beige pour garçonnets, chemise blanche pour les uns et les autres. Romantisme dans l’air, les demoiselles pédalent à l’abri d’un parapluie ombrelle ou d’un cahier-visière, en amazone derrière leurs amies.

Crépuscule de charme sous ces auspices bienveillants. Doublons quelques triplettes de toges oranges enrubannant les corps d’apprentis bouddhistes.
A peine avions nous passé la frontière que nous ressaisissons d’emblée cette sérénité qui émaille encore notre mémoire.

Le cap sera mis à l’est, boucle inconnue vers le plateau des Boloven. Efforts de grimpette d’un premier jour fort récompensés.

Les cascades nous livrent leur tenant de fraicheur : Tad Fane, Tad Etu, Tad Gneuang .  Plaisir de l’œil éclaboussures délicieuses, ou trempettes,  petit fleuron de motivation.

Autour de nous, les plantations de café diffusent lorsque floraison pointe un doux parfum perdu entre jasmin et chèvrefeuille.  Hévéas, bananiers, plans de cotons parfont un décor bien sympathique.

Gros orage encore nous retient trois durant sous un abri de fortune avant la cime.

Les jours qui suivent sont détendus .Des kilomètres de descente  nuageux juste « à point », nous font la part belle. Amusés, sillonnons nos routes, tapant dans les mains des enfants. C’est  l’heure du bain, entre baquets et lessives. Chacun s’affaire à frotter le petit frère ou le sarong poussiéreux.

Quelques mères bercent les petits dans leurs hamacs, les garçons galopent leurs élingues à la main. Sur les bas-côtés pendouillent ananas et bananes, surplombant les étals de pastèques, tandis que sèchent chaque 100 mètres grains de café.

A Tad Hang, faisons escale : bungalow, hamac et baignade. Pancakes et shakes nourrissent nos envies sucrées. Demain, c’est grimpette au lever avant le retour en plaine. Quelques degrés en sus à digérer !

Sous la chaleur accablante de l'Isan

Plaines de l'Isan


C’est l’hiver. Les moissonneurs s’agitent dans les plaines. La route est un long cordeau d’asphalte terne et brûlant, distillant un épuisement infini. Camions et monotonie des étendues servent déplaisir à souhait. 35 °. Villages trop en retrait pour se distinguer. Zénith impitoyable, nos corps ruissellent et cramoisissent . Ne maitrisant ni la langue, ni la géographie secrète de l’Isan pour nous perdre au détour de petits chemins non balisés, nous n’en verrons presque rien si ce n’est cette bande grise qui met nos nerfs en crise. Des soixantaines de kilomètres avalés, tendus, assommés par le soleil. Sikhoraphum, Si Saket, etc… Nous souhaiterions un hiver rude, une chute aux usuelles températures de saison, un doux 25°. Pur rêve ! Le mercure reste haut perché sur le thermomètre. Et les serpents écrasés s’alignent sur la route. Peu de chance de croiser un ours polaire !

Ubon Ratchathani : nuit d’orage, l’espoir d’un rafraichissement et d’une route plus clémente. 11heures à matine. Nous revoilà partis pour une suée, temporaire seulement.  A peine en selle, nos estomacs nous taquinent. Miam-Miam. Visite du temple… au passage. Débauche de statues, dragons, stupas, stucs, dorures, marbrures de toc, béton peint. Profusion désordonnée. Rajout sur rajout. Disneyland en voisinage  aurait tôt fait de se rhabiller. Si étrange de ne rien comprendre à ce déploiement de fioritures à nos yeux si fou, kitsch, à la limite du ridicule. Est-il une mine d’invocations derrière chaque personnage aux airs de clown, de loup ou de dragon ? Les codes nous manquent-ils ? Religiosité, superstition, dévotion ou réelle foi enrubannée de mille ornements ? D’étranges incantations au microphone résonnent comme l’invitation au chapiteau des caravanes de cirque dans nos contrées. Des moinilllons stationnent dans la benne d’un pick-up rutilant, un doyen attend à la porte. Quelle sera leur journée ?

L’idéal pour nous serait de ne pédaler qu’entre 6 et 9h , 16h et 17h. La fin de journée pour peu que l’humeur s’y prête permet de savourer ce qu’il est de beau. La lumière or intense sur les brassées de riz, les masures de bois, la peau d’un zébu ou son reflet dans l’œil d’un buffle !!!. Les sourires des hommes à la tête enveloppée entre chapeau et foulard offre une compensation. Les « Sawadee » fusent. Quelques attendris stoppent leurs véhicules et déposent  à nos pieds eau fraiche et grignoteries.

Ubon dans le dos, avec soulagement retrouvons la tranquillité des voies de campagnes. Enfin ! Fraicheur de zones boisées, cheminons doucement jusqu’à croiser la rivière Mun. Phibun Mangsahan et puis cette délicieuse trêve barbottante dans les marmites de Tad Ton.

Khong Chiam sera notre dernière étape thaï, jonction de la rivière Mun et du tant attendu Mékong. Un goût étrange que cet Isan manqué, sans carte, ni chemin anticipé. Nous fallait-il ce temps seulement  pour tropiques apprivoiser et basculer dans l’univers sud-est asiatique qui de ses degrés ne cesserait de nous envelopper ?