dimanche 3 février 2013

De Battambang à Siem Reap


Le jour se lève sur Battambang, les sacoches allégées de tout le matériel de camping (merci Pierre et Martine) s’accrochent à nos montures. Sortie de ville, lumière douce, apparition : un petit marchand de riz propose aux passants de bigarrés cerfs-volants. 7h  ! Drôle de négoce matinal !

Les moulins à riz émaillent la route. Tri, ensachage. La nationale 5 est cryptée de menus marchés. Les vêtements flottent sur les cintres au hasard des routes. Perdu au milieu de rien, deux tréteaux de bois et un amas de chainse-hifi. Trouver de tout partout ou trouver surtout ce à quoi l’on s’attend le moins.

Une succession d’attelages insolites nous font sourire. Des scooters nous doublent, garnis de dizaines de canards cancanant dans leur panière d’osier. Quelques cochons aussi à la renverse ficelés à l’arrière des deux roues grognent sur le chemin de leur migration : « transhumance ou abattoir ?

Pendouillent derrière les mobylettes aussi kyrielle de saucisses au vent (cochons : deuxième étape : qui sait ?). Un gai luron nous double, embardée fantaisiste d’un conducteur chaloupant sous une impressionnante quantité de matelas.

Les pyramides roulantes de l’Asie n’auront jamais fini de nous surprendre ! Cinq sur une mini-cylindrée ou charges incommodant la vue semblent ne déranger quiconque.

 

Les rizières s’étendent à perte de vue, se partageant entre verdure et blondeur, sèches cependant pour la majorité. Mares et fossés boueux rassemblent nombre d’individus enfoncés à mi-corps dans les eaux brunes à la recherche de quelques « écailleux », le casque parfois encore cocassement  arrimé à leur tête.  Le pied des eaux un peu plus claires est prétexte à  suspendre hamacs ou se détendre sous une paillotte.

Sous les toits de palme tressés, s’alignent quelques bols et aliments, picorage collectif : habitude quotidienne ou exception dominicale ?

8h, Le trafic s’intensifie curieusement. Sur les plateaux tractés derrière les motoculteurs, s’entassent petits en uniforme ou ouvriers perchés sur la jute des ballots.

Presque 100 kms encore, dépasser Sisophon, avancer, dormir. Dans un village de sculpteurs de pierres où les bouddhas étincellent sous la lumière du soir, posons nos sacs de couchage sur le carrelage d’un temple ouvert aux 4 vents. Quatre du matin au pied de l’autel, commencent les mantras ! Youpi la jolie nuit !

Un long tronçon nous attend encore en ce 31 décembre. Et les enfants de dire : c’est bizarre, on dirait la Belgique chaude. Furtif retour quelques mois en arrière. Relief zéro, canaux. C’est vrai qu’il est un petit air de plat pays. Aurions-nous perdu notre « Est » ? Trouverons-nous Brugges ou Angkor à la tombée de la nuit.

Les équipes de travailleurs agricoles sont disséminés le long des champs, apparaissent même quelques vraies machines, moissonneuses batteuses, tracteurs. Qu’il est long ce trajet, qu’il est long. 186 kilomètres avalés en deux jours sous les cieux de fin d’année. Il semblerait que ce soir, n’aurons point le mollet prompt à guincher. Echouage dans une ville méconnaissable. 600 000 lits dans un de ces confins du monde devenu pure plate-forme touristique. Ne reconnaissons rien ! Vertigineuse mutation !

Demain sera une autre année et tout le temps pour cet univers appréhender.